La Comédie des erreurs
« Commencées dans l’agitation, les comédies se terminent dans le calme, contrairement aux tragédies qui, commencées dans le calme, finissent en tempête. »
Thomas Heywood
La Comédie des erreurs est écrite vers la fin du XVIe siècle. C’est ce qu’on pourrait appeler littéralement une pièce « à rebondissement ». Elle est tout à la fois comédie et farce, profonde et légère, tour à tour drôle, intelligente ou mordante. La langue y est très élaborée mais c’est avant tout une formidable « machine à jouer », les actions étant moteurs des personnages. Les questions qui nous empêchent de dormir la nuit la traversent, mais elles y apparaissent au second-plan, comme en filigrane. Sur scène se déploie une mécanique comique parfaitement bien huilée. On a là le spectacle hilarant de personnages qui se heurtent les uns contre les autres, qui rebondissent les uns sur les autres – des êtres humains comme des boules de billard ! Les lignes qu’ils tracent malgré eux, de rebonds en rebonds, forment une trame où rire et réflexion coexistent ; le rire franc entraînant parfois de profonds questionnements sur la société qui y est dessinée. C’est ce qui m’intéresse ici : comment le rire nous entraîne au-delà du simple divertissement, pour nous interpeler.
Surtout, la pièce est un peu à part dans l’œuvre de Shakespeare. C’est une comédie sociale qui dénoncent les (mauvais) comportements des personnages, tout en finissant par triompher de leurs travers. La fable renverse les codes de la comédie classique. Shakespeare la décentre des seules questions de séduction et d’identité pour mieux mettre à nu les personnages. Oui oui, bien sûr à la fin il y aura retrouvailles ! L’auteur n’a pas chamboulé tous les codes non plus ! Mais au fond, cette comédie, ou cette farce, met en jeu nos éternelles questions d’identité : être ou pas, voilà la question. Et les questions de genre – si contemporaines aujourd’hui – dans lequel on est assigné à sa naissance et les clichés que l’on doit combattre à ce titre, traversent également l’œuvre. Enfin, les rapports de pouvoir entre les êtres y sont disséqués, démontés et tournés en dérision. Somme toute, on n’est pas si loin de Hamlet, sauf que ces thématiques sont étrillées par le rire. Le prisme de la comédie jouant ici à la manière d’un palais des glaces : miroirs déformants, trompes l’œil et autres anamorphoses.
Je suis couverte des bleus de ton infidélité ;
Mon sang est mêlé des crimes de ta jouissance :
Car si nous deux sommes un, et que toi tu joues à me tromper,
C’est moi qui digère le poison de ta chair,
Je suis prostituée par ta maladie.
Vous êtes témoins
Qu’il se transporte dans les airs :
Même maintenant qu’il est enfermé ici dans l’abbaye,
Il est là maintenant, au-delà de l’entendement humain.
Un homme naturellement chauve fera tout son temps sans un poil sur le caillou.
Il ne lui a pas fallût longtemps avant de devenir
L’heureuse mère de deux beaux garçons,
Et, oui c’est étrange, l’un si semblable à l’autre
Qu’on ne pouvait les distinguer.
À la même heure, et dans la même auberge,
Une femme du peuple fût délivrée
D’un pareil fardeau, des garçons jumeaux, absolument identiques.
Je les ai acheté, car leurs parents étaient excessivement pauvres,
Et je les ai élevés pour servir mes fils.
Oui c’est vrai je suis un âne : la longueur de mes oreilles le prouve.
– Je suis entre ses mains depuis l’heure de ma naissance jusqu’à cet instant et je n’ai rien reçu pour mes services que des coups. Quand j’ai froid, il me frappe pour me réchauffer ; quand j’ai chaud, il me frappe pour me refroidir. Je suis réveillé d’un paf quand je dors, levé d’un paf quand je suis assis, éjecté de la maison d’un paf quand je pars, accueilli à la maison d’un paf quand je rentre.
Mais non, j’en prends sur le dos comme un mendiant qui porte son marmot, et je pense que quand il m’aura bien estropié, je pourrai mendier de porte en porte grâce à lui.
Mise en scène et traduction
Eric Devanthéry
Assistante
Charlotte Riondel
Interprètes
Rachel Gordy
Léonie Keller
Verena Lopes (création 2023)
Sabrina Martin (reprise 2024)
Nadim Ahmed
Charles Mouron
Costumes
Valentine Savary
Lumière
Philippe Maeder
Adaptation lumière 2024
Loïc Rivoalan
Régie
Pierre Spuhler
Scénographie
Francis Rivolta
Maquillage
Katrine Zingg
Construction décor
Jean-Luc Grandin
Administration
France Jaton
Production
Utopia
Coproduction
Théâtre Le Crève-Cœur
AV Prod
Soutiens
Loterie Romande, Fondation Leenaards, Fondation Ernst Göhner et Action Intermittence – Fonds d’encouragement à l’emploi des intermittent·e·s genevois·es (FEEIG)
RECRÉATION 2024 FESTIVAL SCÈNE VAGABONDE GENÈVE
Salle Cæcilia 10 — 28 septembre 2024
Bord de scène avec l’équipe jeudi 12 septembre après la représentation
Rachel Gordy & Léonie Keller
Adriana et Luciana, sa sœur
Verena Lopes
Égéon, commerçant de Syracuse